Une orange sur la table Ta robe sur le tapis Et toi dans mon lit Doux présent de la présent Fraîcheur de la nuit Chaleur de ma vie
Paris at Night
Trois allumettes une à une allumées dans la nuit La premiére pour voir ton visage tout entier La seconde pour voir tes yeux La dernière pour voir ta bouche Et l'obscuritè tout entière pour me rappeler tout cela En te serrant dans mes bras.
Des milliers et des milliers d'années Ne sauraient suffire Pour dire La petite seconde d'éternité Où tu m'as embrassé Où je t'ai embrassé Un moment dans la lumière de l'hiver Au Parc Montsouris à Paris À Paris Sur la terre La terre qui est un astre.
Sang et plumes
Alouette du souvenir C'est ton sang qui coule et non pas le mien Alouette du souvenir j'ai serré mon poing Alouette du souvenir oiseau mort joli tu n'aurais pas dû venir manger dans ma main les graines de l'oubli
Il a mis le café Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de café Il a mis le sucre Dans le café au lait Avec la petite cuiller Il a tourné Il a bu le café au lait Et il a reposé la tasse Sans me parler Il a allumé Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumée Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder Il s'est levé Il a mis Son chapeau sur sa tête Il a mis Son manteau de pluie Parce qu'il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder Et moi j'ai pris Ma tête dans ma main Et j'ai pleuré.
Le Premier Jour
Des draps blancs dans une armoire Des draps rouges dans un lit Un enfant dans sa mere Sa mere dans les douleurs Le pere dans le couloir Le couloir dans la maison La maison dans la ville La ville dans la nuit La mort dans un cri Et l'enfant dans la vie.
Mea Culpa
C'est ma faute C'est ma faute C'est ma très grande faute d'orthographe Voilà comment j'écris Giraffe
Je suis allé au marché aux oiseaux Et j'ai acheté des oiseaux Pour toi Mon amour Je suis allé au marché aux fleurs Et j'ai acheté des fleurs Pour toi Mon amour Je suis allé au marché à la ferraille Et j'ai acheté des chaînes De lourdes chaînes Pour toi Mon amour Et je suis allé au marché aux esclaves Et je t'ai cherchée Mais je ne t'ai pas trouvée Mon amour
Les Enfants Qui s'Aiment
Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s'aiment Ne sont là pour personne Et c'est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour
Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Quand j'ai envie de rire J'aime celui qui m'aime Est-ce ma faute à moi Si ce n'est pas le même Que j'aime à chaque fois Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Que voulez-vous de plus Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire Et n'y puis rien changer Mes talons sont trop hauts Ma taille trop cambrée Mes seins beaucoup trop durs Et mes yeux trop cernés Et puis après Qu'est-ce que ça peut vous faire Je suis comme je suis Je plais à qui je plais Qu'est-ce que ça peut vous faire Ce qui m'est arrivé Oui j'ai aimé quelqu'un Oui quelqu'un m'a aimée Comme les enfants qui s'aiment Simplement savent aimer Aimer aimer... Pourquoi me questionner Je suis là pour vous plaire Et n'y puis rien changer.
La grasse matinée
Il est terrible Le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain Il est terrible ce bruit Quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim Elle est terrible aussi dans la tête de l'homme La tête de l'homme qui a faim Quand il se regarde à six heures du matin Dans la glace du grand magasin Une tête couleur de poussière Ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde Dans la vitrine de chez Potin Il s'en fout de sa tête l'homme Il n'y pense pas Il songe Il imagine une autre tête Une tête de veau par exemple Avec une sauce de vinaigre Ou une tête de n'importe quoi qui se mange Et il remue doucement la mâchoire Doucement Et il grince des dents doucement Car le monde se paye sa tête Et il ne peut rien contre ce monde Et il compte sur ses doigts un deux trois Un deux trois Cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé Et il a beau se répéter depuis trois jours Ca ne peut pas durer Ca dure Trois jours Trois nuits Sans manger Et derrière ces vitres Ces pâtés ces bouteilles ces conserves Poissons morts protégés par les boîtes Boîtes protégées par les vitres Vitres protégées par les flics Flics protégés par la crainte Que de barricades pour six malheureuses sardines.. Un peu plus loin le bistrot Café-crême et croissants chauds L'homme titube Et dans l'intérieur de sa tête Un brouillard de mots Un brouillard de mots Sardines à manger Oeuf dur café-crème Café arrosé rhum Café-crème Café-crème Café-crime arrosé sang !... Un homme très estimé dans son quartier a été égorgé en plein jour L'assassin le vagabond lui a volé Deux francs Soit un café arrosé Zéro franc soixante-dix Deux tartines beurrées Et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
(also a great song! I have the notes somewhere)
En sortant de l'école nous avons rencontré un grand chemin de fer qui nous a emmenés tout autour de la terre dans un wagon doré
Tout autour de la terre nous avons rencontré la mer qui se promenait avec tous ses coquillages ses îles parfumées et puis ses beaux naufrages et ses saumons fumés
Au-dessus de la mer nous avons rencontré la lune et les étoiles sur un bateau à voiles partant pour le Japon et les trois mousquetaires des cinq doigts de la main tournant ma manivelle d'un petit sous-marin plongeant au fond des mers pour chercher des oursins
Revenant sur la terre nous avons rencontré sur la voie de chemin de fer une maison qui fuyait fuyait tout autour de la Terre fuyait tout autour de la mer fuyait devant l'hiver qui voulait l'attraper
Mais nous sur notre chemin de fer on s'est mis à rouler rouler derrière l'hiver et on l'a écrasé et la maison s'est arrêtée et le printemps nous a salués
C'était lui le garde-barrière et il nous a bien remerciés et toutes les fleurs de toute la terre soudain se sont mises à pousser pousser à tort et à travers sur la voie du chemin de fer qui ne voulait plus avancer de peur de les abîmer
Alors on est revenu à pied à pied tout autour de la terre à pied tout autour de la mer tout autour du soleil de la lune et des étoiles A pied à cheval en voiture et en bateau à voiles.
Sables Mouvants
Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s'est retirée Et toi Comme une algue doucement caressée par le vent Dans les sables du lit tu remues en rêvant Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s'est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées Démons et merveilles Vents et marées Deux petites vagues pour me noyer.
Et les verres étaient vides Et la bouteille brisée Et le lit était grand ouvert Et la porte fermée Et toutes les étoiles de verre Du bonheur et de la beauté Resplendissaient dans la poussière De la chambre mal balayée Et j'étais ivre mort Et j'étais feu de joie Et toi ivre vivante Toute nue dans mes bras.
http://www.multimania.com/jbouzou/prevert.shtml
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